Pêcheurs de Ségou : LA GRANDE PRÉCARITÉ

La pêche artisanale continue de faire vivre des familles entières au Mali, notamment les Bozos.  Cette catégorie sociale ne vit que de cette activité. Malgré la rudesse de leur métier et la réalité quotidienne, la détermination des pêcheurs de Ségou ne faiblit pas, et leur engagement en faveur d’une pêche durable reste intact. Dans la cité des Balanzans, l’activité s’effectue au niveau de plusieurs sites. Les pêcheurs utilisent une panoplie d’engins (filets, pièges et nasses) en fonction des types de pêche (pirogue ou au bord des cours d’eau). Nous nous sommes intéressés au quotidien de ces pêcheurs pour discuter avec eux de leur vie quotidienne .

Un samedi de novembre, à l’aube, il faisait beau temps au quartier Somono. Aux abords du fleuve Niger, les premières lingères sont arrivées. Assis dans un coin, des jeunes mendiants (garibous) prenaient le frais. Un peu plus loin, des pêcheurs, confortablement installés dans leurs pirogues,  commençaient à lancer leurs filets, sous le regard émerveillé de  ces «Garibous». Le jeune pêcheur, Abdoulaye Kamaté, passe des heures dans l’eau à la recherche de poissons. Il opère très souvent avec son père. « Dans notre famille, la pêche est une passion. J’ai tout appris de mon père et aujourd’hui je continue de suivre ses directives », explique le jeune pêcheur. «Aujourd’hui, la pêche a été très bonne. J’aime éperdument ce métier que je pratique depuis plusieurs années maintenant», affirme-t-il, d’un ton passionné.

Ali Saro, un autre pêcheur, était vêtu d’un gilet jaune et d’un bonnet bleu blanc. De grands yeux clairs et rieurs brillaient derrière ses lunettes. Il avait déjà capturé une multitude de poissons (carpes, capitaines, silures) qu’il gardait jalousement dans sa pirogue. Selon  notre interlocuteur, les obstacles que rencontrent les pêcheurs de Ségou sont, entre autres, la baisse des ressources halieutiques, le manque de matériels de pêche, de chambres frigorifiques nécessaires à la conservation du poisson. À cause des difficultés, Ali Saro raconte que certains de ses collègues ont convergé vers d’autres secteurs d’activités.

Les années passent et les habitations en banco des pêcheurs apparaissent très précaires au regard des enjeux fonciers dans notre pays. Il y a quelques semaines, leurs maisons ont été submergées par les eaux du fleuve Niger, obligeant certains d’entre eux à déménager. Les yeux fixés sur ce qui reste, Ali Saro ne peut s’empêcher d’éprouver un terrible sentiment de compassion. «Aujourd’hui, de nombreuses familles vivent désormais ailleurs et certaines sont revenues sur place. Nous n’avons nulle part où aller. Nous habitons au bord du fleuve où nous menons notre principale activité, mais dans des conditions difficiles et précaires», dit-t-il, tout en espérant que les choses vont changer un jour. Dans l’atmosphère étouffante de l’après midi, attablé dans un coin tranquille, le jeune Aboubacar, teint noir, le corps maigre et affaibli,  affirme ne pas pouvoir exercer efficacement cette activité à cause de  la rareté des poissons et des conditions de vie qui sont de plus en plus difficiles. «Avant je pouvais gagner jusqu’à 4000 Fcfa, tel n’est pas le cas maintenant», regrette-t-il.

Par contre Yaho Sacko, pêcheur au quartier de Banankoro, affirme que ce travail lui permet de s’en sortir plus ou moins. Cependant, il déplore le fait que le matériel de pêche coûte très cher. En effet, pour pouvoir faire une bonne pêche, il faut avoir une pirogue dotée d’un moteur puissant capable de remonter loin le fleuve. Le président de l’Association des pêcheurs de Ségou, le vieux Amadou Thiéro, a fait savoir que le manque de poissons dans le fleuve pousse souvent ses collègues à aller plus loin vers le village de Molodo, où ils passent des jours et semaines à capturer des poissons. «La cherté du matériel de pêche est due à l’importation. Avec le manque de poissons, beaucoup de jeunes se sont reconvertis dans la filière d’extraction de sable et gravier», dit le président de l’Association des pêcheurs de Ségou.

Pour le développement du secteur, il estime qu’il faut subventionner les pêcheurs. En outre, une gestion rationnelle du secteur de la pêche permettra de maximiser les captures, les emplois, les revenus économiques, protéger le fleuve Niger et préserver les ressources. Pour Amadou Thiéro, si l’activité de pêche est essentiellement masculine, cependant la vente du poisson est quasi-exclusivement l’affaire des femmes au sein de chaque foyer de pêcheur. «Elles jouent un rôle majeur qui consiste à laver le poisson, le peser et à négocier le prix de vente», rappelle-t-il, en expliquant que l’argent de la vente du poisson sert alors à l’achat du condiment, le reste de la somme étant remis au chef de famille qui gère alors tous ses dépendants.

Auparavant, si beaucoup de Bamakois de passage à Ségou avaient l’habitude d’acheter  du poisson en raison du prix qui était à la portée de toutes les bourses, ce n’est plus le cas aujourd’hui, car les prix sont presque les mêmes qu’à Bamako.

Mamadou SY

AMAP-Ségou

Source: Essor

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