Mamadou Igor Diarra: « je ne me considère pas propriétaire des votes exprimés en ma faveur »

Au lendemain de la proclamation des résultats définitifs du premier tour de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018 par la Cour Constitutionnelle, Mamadou Igor Diarra arrivé 13e sur 24 candidats avec 36 124 voix, soit 1,13 % des suffrages, ne se reconnait pas dans le score à lui attribué. Dans un communiqué rendu public, il rejette catégoriquement ce processus dans son ensemble, et refuse de donner une consigne de vote pour le second tour prévu pour ce dimanche 12 août.

Mes chers compatriotes,
Je tiens en premier lieu à remercier les citoyennes et les citoyens qui m’ont apporté leur soutien par leurs votes, je félicite le peuple malien pour avoir voté dans le calme, malgré les situations dangereuses par endroits.

Je m’incline devant la dépouille de celles et ceux qui furent victimes d’attaques au cours de ce processus, dont trois de mes soutiens dans le centre du pays.
La tenue des élections fut annoncée par le gouvernement en février 2018, la nouvelle loi électorale fut adoptée par l’Assemblée nationale en avril 2018, les cartes électorales ont été commandées au cours du même mois et les nouveaux représentants de l’administration furent nommés à la même période, soit trois mois pour préparer et tenir un scrutin présidentiel dans un pays avec entre autres, près de 800 000 km² situés en zone d’insécurité.
Donc, c’est tout naturellement que je me suis inquiété en début d’année de l’organisation du processus dans un tel contexte.
Je fus d’ailleurs le premier à avoir pointé du doigt les sources d’inquiétude, qui, parfois, furent mal comprises.
J’avais évoqué les quatre défis majeurs à relever par les autorités à savoir, le financement adéquat, la logistique, la sécurité et la présence de l’administration.
Je précise que dans mon courrier de déclaration de candidature adressé aux Maliens, j’ai tenu à insister sur la nécessité d’organiser des élections crédibles et dans un climat apaisé.
La priorité pour moi, n’était pas tant l’organisation de l’élection elle-même, dont la mauvaise préparation pouvait porter les germes de contentieux post-électoraux, mais plutôt la construction d’un environnement propice à la consolidation de la démocratie. Malgré mes inquiétudes, je ne pouvais pas manquer ce grand rendez-vous électoral, cela aurait été un renoncement, chose qui ne fait partie de mes principes.

Je me suis présenté à l’élection présidentielle du 29 juillet 2018, en tant que candidat indépendant, mais avec le soutien du parti Mali En Action, la Coordination des Amis de Mamadou Igor Diarra, le Mouvement pour la Démocratie et la Paix, le Mouvement Pour le Progrès, les associations G50, le Groupe des Patriotes du Mali et le Club Lumière, composés en majorité de jeunes et de femmes.
Pendant trois semaines, j’ai eu le plaisir de rencontrer des milliers de nos compatriotes à l’intérieur comme à l’extérieur, j’ai touché du doigt les principales préoccupations du peuple malien.
Riche de mes nombreuses expériences, j’ai proposé un projet de société en 7 axes, 12 grands travaux et 99 mesures, qui complétèrent mon livre « C’est possible au Mali », paru quelques mois plutôt.
Avec mes équipes, nous avons animé des dizaines de débats pour expliquer à nos compatriotes, partout où nous avons pu aller, qu’un mieux vivre est possible pour tous les Maliens.
Des milliers de femmes et d’hommes ont adhéré à notre projet et l’ont soutenu, jusqu’au jour du vote.
J’ai accompli mon devoir de citoyen le dimanche 29 juillet 2018 à 11H00 à l’école B de Baco Djocoroni. Immédiatement, je fus partagé entre un sentiment de fierté et de tristesse, fier d’être malien, mais triste de voir d’autres Maliens manipulés avec leur consentement au grand jour par les puissances de l’argent, à travers l’achat des voix.
Ce fléau fut d’une telle ampleur, qu’on aurait préféré se trouver dans un mauvais rêve, mais hélas c’était bien la réalité.
À cela s’ajoutèrent la multiplication des attaques contre les bureaux de vote, les bourrages d’urnes, la mauvaise distribution des cartes d’électeurs, l’amateurisme des responsables de bureaux de vote et le tripatouillage de certains résultats.
Le jeudi 02 août 2018, à 21H00, les résultats provisoires de l’élection présidentielle furent annoncés par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation.
Beaucoup de candidats ont introduit des recours devant la cour constitutionnelle, comme je le craignais, qui se prononça donc le 08 août.
Je ne peux rester indifférent à ce qui vient de se passer, car j’ai reçu mandat de la part de milliers de Maliens pour faire vivre mon projet, je ne peux les trahir, raison pour laquelle, sincérité oblige, je ne peux m’empêcher de donner mon opinion et de dresser un réquisitoire, dans lequel, en empruntant à Émile Zola, J’accuse !
-Oui, j’accuse les héritiers du mouvement dit démocratique, qui a géré mon pays depuis 27 ans et dont certains acteurs ont mis en place, une démocratie pluraliste, qui ne l’est que de nom. Ils n’ont même pas pu créer les simples bases d’un système d’expression populaire que tous les pays au monde ont désormais maîtrisé. Ce sont eux qui ont introduit l’argent dans le choix des dirigeants, prouesse que même le parti unique n’avait pas réussi à faire.
-J’accuse certains partenaires du Mali qui pourtant, soutiennent mon pays avec les impôts de leurs contribuables, mais aussi les observateurs internationaux qui à chaque scrutin estiment que nos élections se sont globalement bien déroulées, comme si nous maliens méritions une démocratie au rabais, en déphasage avec le reste du monde.
-J’accuse les gouvernements récents de n’avoir presque rien fait, jusqu’à trois mois du scrutin, privant même le chef de l’État sortant de se représenter dans un climat sans suspicions, en ne préparant pas sérieusement à l’avance, un scrutin inclusif, recensant une majorité de jeunes et un fichier électoral, élaboré avec rigueur.
-J’accuse ces experts, qui se sont permis de donner un quitus, au terme d’un audit record de 10 jours ! Confirmant que nous méritions un fichier à l’encan.
-J’accuse ces partis politiques bénéficiaires de l’aide publique de l’État, donc, nos impôts, qui n’ont jamais véritablement joué leur rôle d’éducation du citoyen.
– J’accuse celles et ceux qui ont corrompu et triché, mais aussi ceux qui ont voté en vendant leurs voix et en prime leur honneur et leur dignité.
-Je m’accuse moi-même pour n’avoir pas commencé la politique plutôt pour empêcher et dénoncer tous ces écarts.
-Je m’accuse, tout comme certains leaders politiques engagés au même titre que moi, dans le combat des valeurs, de n’avoir pas su unir nos forces, pour une action collective intelligente, dans le but de favoriser l’émergence d’une véritable force novatrice. Chacun a au contraire privilégié son égo en se voyant comme étant le seul capable de réussir la conquête du pouvoir, tandis que nous avions la possibilité de travailler ensemble, dans le but d’exprimer notre ambition commune pour le pays.
-Enfin, je m’accuse aussi d’avoir participé naïvement à ce désolant spectacle, bien que l’ayant craint et ayant été alerté par mes propres analyses, confirmées par les réflexions de deux personnalités publiques respectables, à savoir, les ministres Seydou Badian Kouyaté et Ousmane Sy, qui, dans un passé récent, avaient invité les plus optimistes à se pencher sur les risques à venir et la nécessité de trouver des voies consensuelles pour la stabilité du Mali.
Après ce réquisitoire mon verdict est sans appel, je rejette catégoriquement ce processus dans son ensemble, sans même me donner la peine de commenter tel ou tel chiffre, ou encore moins, tel ou tel rang.
Chaque Malienne et chaque Malien devraient se sentir concernés par la situation actuelle.
Dans notre pays, aucun sujet en lien avec l’État ne devrait faire l’objet d’une quelconque légèreté, car nous vivons une période décisive pour nous-mêmes et les générations futures
À tous les Maliens, je demande d’exiger toujours la vérité, car notre futur commun, aussi bien celui des vainqueurs que des vaincus en dépend.
Les privilégiés d’aujourd’hui, peuvent être demain, des citoyens ordinaires d’où la nécessité de faire preuve d’humilité. Les résultats électoraux du Mali, ne doivent plus être proportionnels à la capacité financière des candidats, comme ce fut malheureusement le cas lors de ce scrutin dernier, sinon nous ôterons toute possibilité d’une véritable alternance dans ce pays.
Nous sommes assurément dans un processus avec peu de perspectives favorables, ce qui nous condamne à dénoncer sans relâche, toutes les irrégularités survenues lors de cette élection et en même temps nous n’avons pas beaucoup de choix pour chercher et trouver le génie nécessaire pour sauver le Mali. Tout au long de la campagne, nous n’avons pas arrêté d’appeler au renouvellement générationnel de la classe politique qui doit refléter le poids des jeunes et des femmes.
Force est de constater et nous en prenons acte, qu’une majorité d’électeurs n’a pas donné un écho favorable à notre offre, dont la défense sera toujours une constance pour le candidat que je fus et l’homme politique que je resterai.
Je ne me considère pas propriétaire des votes exprimés en ma faveur et n’estime pas décider pour celles et ceux qui veulent poursuivre leur participation au processus.
A cet effet, je respecterai le libre choix ultérieur de toutes celles et de tous ceux qui m’ont soutenu en tant que candidat indépendant.
Nous allons nous organiser à travers plusieurs actions pour défendre nos principes nos convictions et l’avenir du Mali.
J’adresse donc un appel solennel au peuple à rester vigilant et mobilisé.
J’espère pouvoir compter sur votre compréhension.

Que Dieu bénisse le Mali
Mamadou Igor DIARRA
Officier de l’Ordre National
Candidat à l’élection Présidentiel

Info-matin

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