Chronique : Notre Mali comme il va Moussa Traoré s’en tord de rire…

Certaines épreuves révèlent notre nature profonde. L’épreuve démocratique, ses contradictions, ses contrariétés et ses remises en cause sont des tests auxquels ne résistent pas la plupart des dirigeants des pays néo-démocrates.

L’Afrique, dont la plupart des pays acquis au système démocratique n’ont pas encore trente ans de pratique, est le terrain idéal d’observation de ces dérapages.

Les discours hypocrites et démagogiques de conquête du pouvoir prennent invariablement, face à une contestation rigoureuse et soutenue, des consonances d’invectives et de menaces. Puis suit la répression.

Le Mali avait pu se prémunir contre cette image dégradée, en pratiquant une démocratie souple, intelligente, qui lui avait valu la considération de la plupart de ses partenaires. Le Professeur Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, en dépit des contestations, et même des provocations de leurs opposants, avaient généralement observé les règles premières de la démocratie: le respect des opinions et des droits élémentaires de libertés.

Ils avaient surtout eu le bon goût de s’élever au-dessus de cette manie, anti démocratique,  anti républicaine de se donner une vocation de gourou de la nation. Cette sagesse leur a permis d’éviter nombre d’écueils et le ridicule de situations anachroniques.

Conforté par un score très flatteur, IBK, lui, s’est rapidement installé dans un rôle de roi africain, accapareur de la toute puissance et des biens de l’Etat, peu regardant à la bonne manière des choses.

Ce type de dirigeant, très aimé des opportunistes et des flagorneurs au verbe haut et sirupeux, ne peut éviter le piège de l’autocratie et de la vindicte.

Face à une opposition, crédibilisée par la présence de leaders très représentatifs des populations (les sondages le corroborent), à l’argumentaire bien peaufiné, bien organisée et très remontée contre la gouvernance largement contestée du régime, y compris à l’étranger, le président de la République avait déjà affiché des signes d’un certain agacement, qui s’était manifesté par des sorties sans hauteur, à la limite du rase-mottes.

L’interdiction de la marche programmée de l’opposition, sous le couvert du Gouverneur militaire du district, puis la répression féroce de cette même manifestation, maintenue par des opposants qui tenaient ainsi à se faire entendre de l’opinion nationale, ont trahi la nature anti-démocratique du régime.

Face à ce qui aurait pu être la plus démonstration de force de l’opposition démocratique, susceptible de susciter des mouvements de sympathie aussi de populations encore indécises quant au choix crucial du 29 juillet prochain, le pouvoir n’a donc pu résister au naturel et répréhensible reflexe de la brutalité.

Le paradoxe est terriblement saisissant de voir les deux hommes les plus choyés et redevables des conquêtes démocratiques en devenir aujourd’hui les censeurs.

Le Général Moussa Traoré doit certainement se tordre de rire face à ce cocasse  retournement de l’histoire qui fait qu’un de ses contempteurs très engagés de 1990 se serve des textes de ”son régime dictatorial” pour réprimer une marche, découlant pourtant des bonnes pratiques démocratiques.

L’explication est simple : le Chef de l’Etat (l’expression est plus appropriée) et ses partisans appartiennent à cette race de dirigeants politiques qui n’ont de la démocratie qu’une vision mercantile, au mieux de leurs intérêts. Lorsque ceux-ci sont remis en cause, se révèle alors une nature soigneusement dissimulée sous des apparences apprêtées au quotidien, celle de la duperie.

IBK donne ainsi raison à l’Opposition qui, malgré les assurances mécaniquement répétées par le Gouvernement pour des élections transparentes et crédibles, avait tenu à en définir certaines conditions.

Notre pays serait-il pour autant dans une logique de crise pré-électorale ? L’éventualité reste envisageable si le régime demeure sourd à tous les appels à la raison, celle d’observer les droits fondamentaux de la démocratie, la liberté d’opinion et d’expression.

A cet égard, la marche programmée ce vendredi par l’Opposition doit se dérouler librement et pacifiquement. Afin que l’Etat démocratique ait tout son sens.

Cicéron, grand commis de la Rome antique, en avait défini les contours, il y a 2 218 ans : ” L’importance cruciale de l’Etat républicain se manifeste par le droit. Sans liens juridiques établis ni protection de la liberté, un Etat n’est pas véritablement un Etat, c’est la chose d’un homme, non celle d’un peuple, c’est-à-dire une République. Dans le détail, le droit doit être égal pour tous, car la société civile n’est stable qu’à la condition que tous les citoyens jouissent strictement de la même condition. ”

La vision de Cicéron, grand penseur de l’Etat république, était ainsi celle d’une République isonomique (égalité juridique et politique des citoyens), opposée à l’arbitraire et à la raison d’Etat.

C’est tout le sens de l’Etat démocratique. Et ce rappel était utile, dans un contexte de toutes les tentations et de périls pour notre pays.

Par Mamadou Kouyaté,  

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