De jour comme de nuit, des poids lourds transportant du sable sillonnent les routes de Ségou pour satisfaire la demande des promoteurs immobiliers et des particuliers. Les besoins pour la construction des logements, usines, routes ou centres commerciaux ne cessent d’augmenter avec la poursuite de la croissance démographique. Cependant, l’insuffisance de la réglementation et l’application lacunaire des rares normes existantes ont ouvert la porte à l’exploitation clandestine du sable. Conséquence, les prix de cette matière continuent de monter en flèche, sous le regard inquiétant de la population.
En ce jour du mois de septembre, une petite pluie mince et tenace tombait sans arrêt. Aux abords du fleuve Niger, sous un hangar, gaiement bavardent plusieurs personnes. A quelques mètres, au milieu du brouhaha des moteurs de camions bennes, du braiment des ânes et des cris des enfants, quelques exploitants de sables rêvassent dans leur coin. Allongé sur le sable, l’exploitant de sable Lassine Diarra a du mal à se réveiller en cette fin de matinée torride. Le travail a été très pénible pour lui. En effet, le pauvre se tordait de douleurs abdominales dues à la remontée du sable, un exercice périlleux qui demande des efforts musculaires considérables.
Le rôle majeur de l’activité d’extraction du sable qui n’est plus à démontrer, a un impact significatif sur la réduction de la pauvreté. Depuis plusieurs années, beaucoup de jeunes finissent dans le secteur informel, véritable pourvoyeur d’emplois. C’est le cas de Ousmane Coulibaly, un autre exploitant de sable que nous avons rencontré. C’est au bout de plusieurs mois de médiation, de prospective et de rêve, qu’il a pris la décision d’être exploitant de sable pour sortir de l’indigence. Âgé de 26 ans, habillé d’un T-shirt noir froissé, il affirme exercer cette activité depuis quelques années. Aujourd’hui, grâce à ce métier, il arrive à subvenir convenablement à ses besoins et à ceux de sa famille. Dégoulinant de sueur, Boubacar Diarra explique que le métier d’exploitant de sable peut s’avérer simple en apparence, mais que c’est tout le contraire. Plonger dans les profondeurs sombres du fleuve avec un sceau et le remplir de sable est très pénible. Pendant des heures, lui et ses collègues plongent en alternance au fond du fleuve, muni d’un sceau pour extraire du sable jusqu’à ce que leurs pirogues soit remplie. «Nous devons plonger dans les profondeurs de 4 à 5 mètres pour extraire du sable. Les gestes répétitifs mettent le corps à rude épreuve. C’est sans compter les risques de noyade, la boue et le sable fin qui pénètrent dans les yeux, autant de choses qui nous gênent dans ce travail», déplore-t-il.
Mamadou Dembélé également exploitant de sable dira qu’avec l’augmentation du niveau du fleuve et le vent qui souffle, le travail est de plus en plus contraignant. Un peu plus loin, Almamy Thiéro qui vend, lui aussi, du sable depuis 1994 affirme que la demande de ce matériau de construction est de plus en plus croissante, surtout chez les promoteurs immobiliers. Almamy Thiéro emploie d’autres exploitants de sable, paie l’impôt et des taxes à la mairie. Il arrive parfois à gagner 10.000 Fcfa par jour. Cependant, Almamy Thiéro a énuméré quelques difficultés dans l’exercice de son métier. Il s’agit de la disparité du prix du sable.
«L’État n’a pas pu jouer son rôle pour mettre de l’ordre dans le secteur», regrette-t-il. En effet, seul celui qui est muni d’un permis a le droit de vendre du sable, mais dans la pratique de l’activité pullule beaucoup de clandestins. Et d’ajouter: «des exploitants légaux et clandestins se disputent le sable. Il faudrait sanctionner les fautifs», dit notre interlocuteur, avec amertume.
L’exploitant de sable Moussa Dembélé affirme qu’auparavant il existait une association de «vendeurs de sable» qui veillait au bon déroulement de l’activité. Les membres se rencontraient régulièrement pour régler les différents problèmes qu’il y avait autour de l’exploitation du sable. Selon lui, pour faire face aux différends, il propose le retour de cette association. Son collègue Moussa Traoré explique que cette activité lui est profitable. «Je peux gagner entre 5.000 à 2500 Fcfa par jour. J’ai pu me marier et fonder une famille grâce à ce métier. J’arrive aujourd’hui à subvenir à mes besoins», dit-il, avec un large sourire.
Mamadou SY AMAP-Ségou
L’Essor