Haut conseil islamique : Tensions entre pro et anti IBK

La polémique née de l’élaboration d’un manuel d’éducation ‘’sexuelle complète’’, a étalé au grand jour les tensions au sein du très puissant Haut conseil islamique du Mali. L’institution fédère toutes les associations musulmanes du pays.

Dimanche, 23 décembre, à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, des centaines de fidèles se sont rassemblés au palais de la Culture Amaadou Hampaté Ba pour le meeting de sensibilisation et d’information sur le projet d’éducation ‘’sexuelle complète’’. Ce rassemblement s’est tenu alors que la majorité des membres du bureau de l’organisation faitière a désapprouvé sa tenue, au motif que les travaux du projet incriminé ont été suspendus par le Gouvernement, qui a entamé des rencontres avec les leaders religieux et coutumiers.

Dans le camp de l’imam Mahmoud Dicko, on parle de “manipulation”, un ‘’complot visant’’ à isoler le leader religieux en froid avec le pouvoir. Le porte-parole de l’imam accuse le gouvernement de vouloir appliquer la politique du ‘’diviser pour mieux régner’’ au Haut conseil, où il révèle des ‘’tensions’’ entre musulmans pro et anti IBK.

Malgré l’annonce de l’annulation du meeting du dimanche à la télévision nationale et sur plusieurs medias, des centaines de personnes ont répondu à l’appel, dans le calme, comme l’a souhaité le président Dicko, qui a invité les fidèles à la vigilance et à la retenue. L’issue de cette affaire pourrait engendrer des changements au sein de cette institution indexée par beaucoup comme étant inféodée au pouvoir. C’est une vieille histoire entre cartels politiques et religieux dont les racines résident dans l’histoire politique du Mali.

« La collusion entre milieux religieux et politique est profondément enracinée dans notre histoire », commente un internaute malien sur Facebook, en faisant allusion à l’empereur Songhoy, Sonni Ali Ber, qui aurait été le premier à vouloir mettre un terme à l’influence des religieux musulmans en tentant de « rationaliser » au 15ème siècle les relations politico-religieuses au Mali, selon cet internaute, qui se réfère aussi à l’ouvrage de l’ancien président Alpha Oumar Konaré sur l’histoire des partis politiques au Mali.

Au-delà des querelles de chapelles, cette situation de crise pose le problème du statut des leaders religieux et coutumiers au Mali. Pour paraphraser Issa Kaou Djim, le chargé de communication du Haut conseil et porte-parole de l’Imam, on peut utiliser les religieux pour faire campagne lors des élections_en ce moment ce sont de bons musulmans_mais quand, ils s’opposent au pouvoir, ils deviennent des cibles.

La cassure au sein de cette organisation n’est qu’un secret de polichinelle. Les deux tendances, conduites par le Président actuel Mahamoud Dicko et le célèbre guide Ousmane Cherif Madani Haidara, ont toujours cohabité dans un pacte de non-agression. Malgré leurs convictions politiques divergentes, elles ont toujours fait front commun quand il s’est agi de défendre les valeurs religieuses et coutumières de notre société. Sauf dans ce cas.

Si la tendance Ousmane Cherif Madani Haidara a pu mettre l’imam Mahamoud Dicko en minorité en arguant la bonne foi du Gouvernement à travers le retrait du manuel et la mise en place d’une commission mixte de réflexion, les partisans de ce dernier clament une instrumentalisation politique, sous fonds de marchandage financier.

Des arguments, à tort ou à raison, qui n’ont malheureusement pas posé le vrai débat. La réalité est que cette situation est le prolongement d’un bras de fer entamé pendant l’élection présidentielle et qui risque d’aboutir soit à l’éjection de l’imam Mahamoud Dicko ou à la mise en place d’un Haut conseil islamique bis.

Dans les deux cas, c’est le Mali qui en sortira fragilisé. C’est le peuple malien qui en pâtira, tant en raison des fanatiques drainés par les deux tendances que du rôle de contre-pouvoir que le Haut conseil islamique est censé joué. Hélas !

AB

Bamakonews

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