Le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, a mis un accent particulier sur les avancées enregistrées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment le retour massif des ex-combattants au sein de l’Armé dans le cadre du DDR, le retour des milliers de déplacés et réfugiés dans leurs localités. Sur le plan institutionnel et politique, le président Keïta a évoqué l’élaboration d’un projet de révision constitutionnelle par un comité d’experts et qui devrait être enrichi lors du dialogue politique inclusif. En outre, le chef de l’Etat a déploré l’insécurité qui sévit dans le Centre du pays et appelé à un sursaut national pour stopper le massacre des populations civiles. Enfin, il a rendu un hommage appuyé à toutes les victimes (civils et militaires) de la crise sécuritaire à laquelle notre pays fait face depuis 2012
Mes chers
compatriotes,
Le 20 juin 2015, sous le regard étonné, ému et quelque peu dubitatif du monde, nous avons pu enfin signer ici dans notre capitale, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, décliné de l’accord préliminaire de Ouagadougou, issu du processus d’Alger et parachevé à Bamako.
Nos partenaires étaient là, nos frères de la rébellion également. L’ambiance particulièrement grave du moment était celle des moments d’Histoire, de ces moments rares dans l’Histoire des nations. Ce jour-là, d’émotion compréhensible mais aussi de sincérité assumée, j’ai pris feu Mamadou Djéri Maïga dans mes bras. Je l’ai pris dans mes bras pour la Paix. Je l’ai pris dans mes bras pour le Mali. Je l’ai pris dans mes bras pour la stabilité du Sahel et pour la tranquillité du monde.
Notre accolade devait sceller un pacte, une complicité pour que les populations du Mali vivent dans la paix et aspirent au bien-être tant mérité d’un peuple qui vit à la sueur de son front, dans ses champs, derrière ses troupeaux, le long des pêcheries, sur les marchés, dans les mosquées, dans les églises, dans d’autres lieux de culte.
Car tel est le Mali : libre et voulant la liberté pour tous, dans les limites bien comprises de l’adage qui dit que notre liberté s’arrête là où commence celles autres.
Où en sommes-nous, quatre ans après la signature de l’Accord. Je ne m’attarderai pas sur les avancées parce que ma raison d’être est de lever les pesanteurs, toutes les pesanteurs dont souffre notre peuple. Les quatre axes de l’Accord, comme vous le savez, nous permettent à chaque étape, d’évaluer, de manière cohérente, les actions entreprises et de nous projeter dans l’avenir.
En ce qui concerne le DDR, il faut noter le démarrage du pré-enregistrement, en vue de leur formation, de plusieurs centaines d’ex-combattants des mouvements signataires du Mécanismes Opérationnel de Coordination. Il convient de signaler le retour dans nos Unités de près de 80 pour cent des ex-combattants des mouvements signataires de l’Accord, anciennement membres des FAMAs.
Pendant ce temps, des discussions encourageantes sont en cours entre les parties concernant les critères d’intégration des ex-combattants des mouvements signataires de l’Accord dans les corps constitués de l’Etat, y compris les forces armées et de sécurité. Toutes ces mesures visant la constitution d’une armée véritablement nationale, hautement qualifiée et uniquement dédiée à la défense des Maliennes et des Maliens, et le Mali c’est de Kidal à Sikasso, de Kayes à Taoudéni.
L’Accord, c’est également un pacte pour le développement socioéconomique du Mali, de tout le Mali, avec un accent particulier sur ses zones les plus sensibles. Le fonds de développement durable est créé. Ses lois et décret d’application sont adoptés. Son comité de gestion est également opérationnel.
Nous déplorons cependant la lenteur dans la mobilisation de ces promesses annoncées. La mise en marche des zones de développement s’appuiera fortement sur le plan d’action déjà disponible pour le transfert de 30 pour cent des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales. Le combat pour les ressources n’est pas simple. Le Mali seul ne peut pas tout. Mais il continuera ses efforts pour que les partenaires aient plus confiance en sa gouvernance financière.
Mes chers
compatriotes,
La paix est un des piliers essentiels de cet Accord. D’où l’accent mis sur « Réconciliation, Justice et Question humanitaires ». La Commission Vérité, Justice et Réconciliation est une des structures institutionnelles dédiées à cela. La CVJR abat un travail remarquable. En même temps qu’elle a pu recueillir 12.877 dépositions, elle a aujourd’hui achevé son implantation dans l’ensemble des régions du Mali.
Le projet de loi d’entente nationale adopté en conseil des ministres est transmis à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, s’agissant de nos compatriotes réfugiés dans les pays voisins, ils poursuivent leur retour au Mali à travers les trois accords tripartites entre le Gouvernement, le HCR et les gouvernements du Niger, de la Mauritanie et du Burkina Faso. J’accorde une attention particulière à la place qu’est celle de la Justice transitionnelle pour laquelle je me réjouis des mesures institutionnelles et politiques déjà prises.
Mes chers
compatriotes,
Pour les questions politiques et institutionnelles, de nombreuses mesures réglementaires et législatives ont été adoptées. Parmi les plus récentes, je retiens particulièrement le redémarrage du processus de révision constitutionnelle. Un avant-projet de loi m’a été remis par le comité d’experts ad hoc. Ce projet de texte devra être enrichi lors des débats du prochain dialogue politique inclusif auquel j’attache du prix et dont la tenue fait partie de la feuille de route du Gouvernement.
S’agissant des actions, la poursuite de l’opérationnalisation des autorités intérimaires au niveau cercle, constitue une avancée considérable. Aujourd’hui, nous avons enregistré la création par la loi de l’ensemble des collectivités territoriales des régions de Ménaka et de Taoudéni.
La question transversale du genre n’est pas occultée. Car elle est essentielle dans la réussite de la mise en œuvre à travers une implication efficiente des femmes mais aussi des jeunes dans tous les mécanismes inhérents à la mise en œuvre de l’Accord. J’ai instruit au Gouvernement formé le 5 mai dernier de mettre un accent particulier sur la sécurisation des personnes et des biens et l’accélération des actions développement socio-économique appropriées.
Mes chers
compatriotes,
En quatre ans, beaucoup a été fait dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger avec un accompagnement sans faille de nos partenaires notamment la médiation internationale qui ne ménage aucun effort pour préserver les équilibres du processus. L’Accord est un instrument pour la paix, la stabilisation et le développement socio-économique de notre pays. Que l’on en doute point !
Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés dans la guerre du Mali, cette guerre pour la dignité, l’intégrité, la diversité mais l’unité du Mali.
Je salue leur mémoire, qu’ils soient Maliens ou d’ailleurs, civils ou militaires, du Nord comme du Centre, qu’ils soient tombés ici au Mali comme dans le Sahel aujourd’hui meurtri. Du sang et des larmes. Le deuil et le désarroi. La vie le matin, la mort la nuit ! Le champ ou le pâturage aujourd’hui !
Le jour, le parfum des tamariniers sur les plaines du Seeno- Gondo, et à l’aube, les corps déchiquetés par l’explosion des mines sur les routes familières. Yoro, Sobane Da, Ogossagou, Koulogo, Petaka, Bulli Kessi, Nantaga, Dogo, et j’en passe. Tous ces lieux où la vie de l’homme ne compte plus pour rien. Tous ces lieux où l’ignorance de prétendus savants sème l’intolérance et la mort. Tous ces lieux où la zizanie dresse les uns contre les autres, des groupes de séculaire convivialité. Tous les jours nous pleurons, tous les jours nous voyons nos enfants mourir, nos greniers prendre feu, notre bétail enlevé ou mitraillé.
Mes chers
compatriotes,
C’est dans ce contexte triste et hautement préoccupant que nous célébrons le quatrième anniversaire de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Cet anniversaire est une interpellation. Si nous ne nous ressaisissons pas, le deuil sera le quotidien durable et déplorable du Mali, du Nord du Mali, du Centre du Mali, mais également celui de plusieurs régions de pays voisins du Mali !
La côte d’alerte
est atteinte.
J’en appelle solennellement, une fois de plus, au sursaut national. Pendant que nous consoliderons la mise en œuvre de l’Accord, il nous faudra être constamment au chevet du Centre. La paix et la stabilité au Centre, la concorde et l’harmonie retournant entre ses habitants, la relance de la production et de la consommation compromises doivent être au cœur de nos préoccupations. Les défis sont aujourd’hui plus grands qu’hier. Finissons-en donc avec les procès d’intention qui vouent aux gémonies nos autorités, nos institutions, nos autorités morales.
Finissons-en avec les procès en sorcellerie qui font à des patriotes convaincus l’injure de vouloir vendre le Mali aux enchères, de brader sa dignité et son intégrité. Finissons-en avec nos orgueils mal placés, nos projets subversifs, surtout celui de désigner à la vindicte populaire des troupes amies dont les soldats meurent chez nous, de traiter en ennemis les partenaires qui nous ont tendu la main quand nous nous écroulions ! Soyons-Maliens, c’est-à-dire grands de cœurs, reconnaissants envers ceux qui n’ont d’autre agenda que de nous aider.
Maliennes et Maliens, l’Accord n’a rien d’anti national. Soutenez-le ! Réussissons-ensemble le pari de son application. Renouvelons notre gratitude à nos amis, à nos partenaires, à nos voisins, aux organisations sous régionales et régionales, à l’ensemble de la communauté internationale, pour l’accompagnement généreux accordé à notre pays qui, il faut le dire, a également été présent partout où il pouvait épauler l’Afrique, le monde, aider à la paix et la stabilité.
Vive le Mali uni et indivisible,
Qu’Allah bénisse
le Mali !
Source: L’Essor/Mali