Une opportunité dont le Mali ne profite pas efficacement. Pourquoi tarder dans la mise en œuvre d’un instrument qui pourrait bouter la pauvreté hors du pays ?Le Mali est l’un des pays les plus pauvres au monde. L’indice de développement humain (IDH) classe le pays au rang de 179ème Etat (2015). Un classement bien révélateur des énormes défis auxquels le pays doit faire face. D’un coté, l’énormité du territoire rend déjà les efforts d’investissement toujours insuffisants et même insignifiants.
Et la crise de 2012 (et ses corrolaires) n’a pas arrangé les choses. Elle a entrainé la baisse des recettes budgétaires qui a incontestablement sapé les capacités d’investissement de l’Etat. Les Partenariats Techniques et Financiers (PTF), après suspension, reprennent certes mais laborieusement. Le pays fait véritablement face à une économie au ralenti.
Les principes du développement durable doivent être transversaux à toutes les politiques de gouvernance de l’Etat. Il est connu que la réalisation des infrastructures est fondamentale pour le développement d’un pays. Les interventions stratégiques et prioritaires de l’Etat doivent se concentrer sur l’aménagement du territoire à travers les travaux publics comme les infrastructures d’eau, de santé, de transport, d’agriculture et d’éducation.
Il relève même du «Droit de l’Homme» qui exige certains équipements de base pour permettre un minimum de conditions de vie à la population. Cependant dans tous les pays pauvres, l’insuffisance des infrastructures de base est la cause du niveau de développement.
La problématique est d’autant plus grave qu’on ne saurait dire si elle découle d’un manque d’ambition, d’engagement ou de moyens. Investir dans les infrastructures exige des opérations sur le maigre budget des pays pauvres, qui ne peuvent pas toujours se le permettre. Ainsi font-ils généralement appel aux bailleurs de fonds pour les APD (Aide Publique au Développement) et finissent par traîner des dettes colossales qui vont peser sur le pouvoir décisionnel des générations futures.
Tous les acteurs du développement reconnaissent aujourd’hui que la mobilisation des ressources intérieures est la base pour un développement durable. Elle permet à l’Etat d’être moins dépendant des aides extérieures, et permet davantage l’implication des citoyens. Ceci correspond aux efforts et à l’objectif du Programme d’action d’Addis-Abeba, adopté en 2015.
Le développement durable entend faire de chaque citoyen, l’acteur de son propre développement et celui de son pays. Impliquer davantage la population ne serait que rationnel, source de transparence dans la gestion et donc gage d’un développement plus harmonieux et pérenne.
Ainsi, à la Banque Mondiale, on considère qu’«Il faut s’appuyer sur le secteur privé pour optimiser l’utilisation de ressources publiques limitées tout en continuant à promouvoir la durabilité environnementale et sociale. Les prévisions montrent qu’il sera quasiment impossible d’atteindre les ODD en s’appuyant uniquement sur les financements publics, il est indispensable de maximiser les financements pour le développement si l’on veut réussir».
Ainsi les ODD préconisent-ils aujourd’hui des mécanismes de financements alternatifs ou complémentaires aux APD (Aide Publique au Développement) comme le Partenariat Publique Privé (PPP).
UNE STRATÉGIE DE PROMOTION DES PPP – Lors de la 16ème session de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement du 6 juin 2012, l’UEMOA a décidé d’élaborer une stratégie de promotion des PPP et un cadre juridique, institutionnel et de mise en œuvre pour les Etats membres (source Rapport National sur le Développement Humain 2017- ODHD-PNUD). Ainsi, le 30 décembre 2016 la loi 2016- 061, sous l’instigation de la Banque Mondiale et du FMI, fut adoptée par le Mali.
Selon la loi 2016- 061 du Mali, «le PPP désigne les contrats de la commande publique passés par des personnes morales de droit public».
Pour le Conseil d’Analyse Economique (CEA) : un partenariat public-privé consiste en la combinaison d’un besoin public avec des ressources et des capacités privées pour créer une opportunité qui satisfera le besoin (infrastructure) et de faire des profits (opérateur économique).
Ce nouveau concept de PPP est une vraie aubaine pour un pays comme le Mali où l’Etat est confronté à des difficultés récurrentes de fonds de financement et les opérateurs économiques, de besoins de diversification et de créneau d’investissement fiable et durable socialement. Les avantages du PPP pour l’Etat sont divers. Ils concernent la suppression des retards dans la livraison, le transfert du risque, l’attrait des partenaires techniques et financiers pour ce nouveau mécanisme mais surtout la réduction de contraintes financières.
Quant aux opérateurs économiques, le PPP est une immense opportunité de profit, d’estime de soi reposant sur le sentiment d’efficacité vis-à-vis de la société. Ils donnent aux opérateurs économiques la responsabilité d’œuvrer pour satisfaire les besoins sociaux de base de leur communauté par la construction d’infrastructure. Il booste le sentiment de patriotisme.
Et pour ceux qui veulent faire de la politique, le PPP est un très bon tremplin et un boulevard de visibilité.
Cependant, le PPP au Mali fait face à une certaine apathie de la part du gouvernement. Depuis la création de l’Unité PPP par le Décret n° 2017-0050/PM-RM du 09 février 2017, l’entité est restreinte à un simple statut d’organe consultatif auprès du Premier ministre. Elle est logée en partie à l’Agence de Promotion des Investissements (API-Mali).
Une étude de l’Observatoire du Développement Humain Durable et de la Lutte Contre la Pauvreté (ODHD) et du PNUD identifie dans son «Rapport National sur le Développement Humain 2017» : Partenariat Public-Privé : un levier important du développement durable au Mali, les avantages apparents du PPP pour le Mali avant de déceler les défaillances à ce mécanisme potentiellement salvateur. De fortes recommandations en ont découlées surtout en ce qui concerne notamment le changement du statut de l’Unité PPP mais aussi l’élargissement de ses attributions.
Qu’une telle opportunité comme le PPP existe et que le pays, malgré l’insistance et la disponibilité d’Institutions fiables comme la Banque Mondiale, le PNUD, l’UEMOA etc. pour accompagner, tarde à l’apprécier et à s’y dédier, dénote d’un manque de vision de la part des dirigeants. Selon le document de la PONAGA, l’aide par tête d’habitant a atteint 84 dollars en 2013 et 72.2 dollars en 2014 contre une moyenne de 45 dollars en Afrique Subsaharienne (Source : Rapport national sur le développement humain 2017 ODHD).
Le Mali ne peut compter indéfiniment sur l’aide extérieure alors qu’un mécanisme d’«autofinancement» à fort confort existe « sous la main». L’Etat doit prendre la pleine mesure de l’utilité du PPP pour mettre en place un agenda avec l’objectif d’en faire le premier mécanisme de financement des infrastructures au Mali à court terme. Il ne s’agit pas non plus de se soustraire totalement et de facto des ADP, mais de faire de ceux-ci un appoint aux sources de financements des actions de développement.
Souleymane SIDIBÉ
Chroniqueur
environnementaliste
epddblog.wordpress.com
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